Genève, Suisse, 3 décembre 2019—Il est plus urgent que jamais de protéger la santé face aux effets du changement climatique et pourtant le premier rapport de situation mondial concernant le changement climatique et la santé montre que la plupart des pays ne suivent pas complètement leur propre plan pour y parvenir. Le nouveau rapport intitulé 2018 WHO Health and Climate Change Survey Report se fonde sur les données de 101 pays visés par l’enquête de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les pays accordent de plus en plus un niveau de priorité accru aux effets du changement climatique sur la santé, et la moitié de ceux qui ont pris part à l’enquête se sont dotés d’une stratégie ou d’un plan national sur la question. Mais il est plus inquiétant de constater que seuls 38% environ d’entre eux ont pris des dispositions financières pour commencer à appliquer leur stratégie ou plan national, et moins de 10% pour en assurer la mise en œuvre complète.
Comme l’a souligné le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, « Le changement climatique est en train de faire gonfler la facture qu’auront à payer les générations futures, mais les populations en paient déjà le prix en termes de santé. L’impératif moral est clair: les pays doivent avoir les ressources nécessaires pour agir contre le changement climatique et préserver la santé dès maintenant et pour l’avenir. ».
Les risques climatiques pour la santé publique ont déjà été évalués par 48% des pays. Les plus fréquemment évoqués étaient le stress thermique, les traumatismes et les décès liés aux événements météorologiques extrêmes et les maladies d’origine alimentaire, hydrique ou vectorielle (comme le choléra, la dengue ou le paludisme). Quelque 60% de ces pays indiquent toutefois que les résultats de l’évaluation n’avaient guère eu d’influence sur l’allocation de ressources humaines ou financières en vue d’une adaptation des priorités pour protéger la santé. En intégrant les préoccupations sanitaires aux initiatives nationales et internationales sur le climat, on pourrait améliorer l’accès aux fonds nécessaires.
Il ressort de l’enquête que les pays ont du mal à accéder à des mécanismes internationaux de financement pour le climat en vue de protéger la santé de leur population. Plus de 75% d’entre eux ont indiqué qu’ils n’avaient pas assez d’informations sur les possibilités d’accès à un tel financement; plus de 60% ont fait part de liens insuffisants entre les acteurs de la santé et les procédures de financement en matière climatique, et plus de 50% de capacités insuffisantes pour établir des propositions.
Alors que les deux tiers des contributions déterminées au niveau national à l’Accord de Paris mentionnent la santé et que le secteur sanitaire figure parmi les cinq secteurs les plus souvent décrits comme exposés au changement climatique, la mise en œuvre et l’appui n’ont pas suivi comme il le fallait.
Des travaux antérieurs ont déjà montré par ailleurs que les gains pour la santé consécutifs à une baisse des émissions de carbone représenteraient environ le double du coût de la mise en œuvre de ces mesures au niveau mondial et que la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris pourrait sauver environ un million de vies par an d’ici 2050 du seul fait de la réduction de la pollution atmosphérique.
Beaucoup de pays ne sont toutefois pas en mesure d’aspirer à ce résultat. L’enquête montre que moins de 25% des pays ont instauré une collaboration bien définie entre la santé et les secteurs clés à l’origine du changement climatique et de la pollution de l’air, comme les transports, la production d’électricité et la consommation d’énergie par les ménages.
Les retombées positives d’une réduction des émissions de carbone pour la santé sont rarement reflétées dans les engagements nationaux sur le climat; seules 20% des contributions déterminées au niveau national mentionnent la santé dans le contexte de la réduction des émissions et seules 10% les gains sanitaires escomptés.
Selon la Directrice du Département Environnement, changement climatique et santé à l’OMS, la Dre Maria Neira, « Pour que l’Accord de Paris protège vraiment la santé, il faut que les gouvernements à tous les niveaux donnent la priorité au renforcement de la résilience du système de santé face au changement climatique et un nombre croissant de pays semblent bien se diriger clairement dans cette direction. En intégrant de manière systématique la santé dans les contributions déterminées au niveau national – ainsi qu’avec des plans d’adaptation nationaux, des annonces de financement pour le climat et d’autres communications nationales à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques – l’Accord de Paris pourrait devenir l’accord international pour la santé le plus important du siècle. ».
Il y a cependant des lacunes à combler d’urgence. Il faut notamment amener les pays non seulement à établir des plans mais à les mettre en œuvre en surmontant les obstacles qui entravent les mesures pratiques, par exemple en veillant à ce que le secteur de la santé soit intégré aux processus concernant le changement climatique et à ce que la capacité et l’appui existent pour accéder au financement nécessaire.
Il faut aussi que la santé soit prise en compte dans les décisions qui ont une incidence sur la réduction des émissions de carbone et les autres objectifs durables, et que l’on se préoccupe des gains pour la santé résultant des mesures concernant le climat.
Note aux rédacteurs:
- La moitié des pays visés par l’enquête de l’Organisation mondiale de la Santé se sont désormais dotés d’une stratégie ou d’un plan sur la santé et le changement climatique, mais la plupart d’entre eux ont du mal à en assurer la mise en œuvre.
- En établissant les plans nationaux, on tient compte de ce que l’on sait au sujet de l’impact du changement climatique sur la santé, mais cela ne se traduit pas pour autant par une augmentation des ressources humaines et financières allouées au secteur de la santé.