Rapport annuel du Directeur 2018

Défis et enseignements tirés

Rapport annuel du Directeur 2018 Partie 3: Défis et enseignements tirés

Défis et enseignements tirés

PAHO OAS scholarships
L'OPS et l'OEA offriront des bourses pour promouvoir l'enseignement supérieur et la recherche

Au cours de la période considérée, les réalisations ont été tempérées par des défis que le BSP dépassera en luttant, en collaboration étroite avec les États Membres et les partenaires. Certains de ces défis sont de nature chronique, et le Bureau entreprendra une coopération technique ciblée et élaborera, ajustera et perfectionnera les politiques et les stratégies appropriées, à partir des enseignements tirés.

Le sujet de ce rapport – Soins de santé primaires : le moment est arrivé – est un appel à l’action qui confronte le BSP à des défis particuliers, dans la mesure où il reprend la vision de la santé pour tous exprimée à Alma-Ata dans le cadre de la santé universelle et réaffirme l’engagement de l’OPS vis-à-vis des valeurs et des principes de cette déclaration historique, c’est-à-dire le droit à la santé, à l’équité, à la solidarité, à la justice sociale, à la participation et à l’engagement de la communauté, à la responsabilité du gouvernement et à des interventions multisectorielles.

Défis

Au cours de la période considérée sont survenus des changements notables dans le paysage politique de la Région. Dans plusieurs pays, de nouvelles administrations ont été élues, apportant avec elles différentes positions philosophiques, dont certaines pouvaient avoir des répercussions sur la santé de la population. De plus, nous avons vu l’émergence de contextes sociopolitiques, de conflits et autres crises complexes. Ces circonstances ont affecté les objectifs de santé publique des États Membres, tout comme la santé et le bien-être de leurs populations, et ont compromis les acquis en matière de santé. D’importants flux de migrants ont également eut lieu dans notre Région, accompagnés d’une propagation concomitante de maladies.

Malgré l’amélioration de la situation économique de certains des plus grands pays de la Région, d’autres pays continuent à faire face à des défis. Même là où existe une croissance économique, des préoccupations persistent quant à une distribution équitable des bénéfices, y compris à un accès à la santé. Le droit à la santé des personnes est appuyé par la responsabilité de l’État, qui doit le garantir. Tandis que ces dernières décennies ont été marquées par des progrès en termes de reconnaissance du droit à la santé dans des réformes normatives et législatives, les institutions publiques ont été lentes à reconnaître leur responsabilité dans la satisfaction de ces droits. Sans intervention de l’État, il ne peut y avoir ni concrétisation progressive du droit à la santé, particulièrement pour les personnes vivant dans des situations de vulnérabilité sociale, ni progrès en termes de cohésion sociale. Il existe des lacunes cruciales en matière de santé sexuelle et génésique, et de droits à cette santé, tout comme il persiste des obstacles socioculturels, économiques, structurels et de genre.

Vaccination campaing against diphtheria
Campagne de vaccination contre la diphtérie

Selon le FMI, la croissance économique en Amérique latine et dans les Caraïbes au cours de l’année 2017 a été limitée à 1,3 %, en raison d’ajustements externes et fiscaux en cours dans certains pays, et d’autres facteurs propres à chaque pays. À moyen terme, les projections montrent que cette croissance restera probablement limitée à 2,6 %, après avoir atteint 1,6 % en 2018. Dans ce contexte, la Région ne peut pas uniquement compter sur la croissance pour protéger et maintenir les énormes gains sociaux et les importantes réductions d’inégalité de ces 15 dernières années. Le défi sera, au contraire, d’investir plus dans les personnes, particulièrement les personnes défavorisées, en utilisant des cadres politiques anticycliques pour garantir une croissance à long terme qui soit équitable et pérenne.

Le leadership du gouvernement et la volonté politique sont des fonctions qui nécessitent d’être renforcées pour garantir des interventions sanitaires intersectorielles pouvant aborder les déterminants sociaux complexes de la santé, parmi lesquels des facteurs politiques, sociaux, économiques, environnementaux et commerciaux qui ont des répercussions sur les résultats sanitaires et l’équité en matière de santé. Il est essentiel d’avoir une articulation efficace entre les autorités de santé et les parties prenantes qui participent au développement social, à l’agriculture, à l’éducation, au logement, à l’environnement et au commerce. Outre une volonté politique au plus haut niveau, il faut aussi pour cela des capacités politiques et techniques au sein des ministères de la Santé et des autres entités sectorielles. L’approche HiAP, dont l’objectif est d’aborder ces facteurs, fait face à des obstacles. La voix des personnes, particulièrement celle des personnes vivant dans des conditions de vulnérabilité, n’est pas souvent entendue, et les mécanismes de participation de la société civile aux processus de prise de décisions et à la responsabilité sociale sont encore faibles.

Dans le contexte de la limitation des capacités nationales à mener des efforts pérennes pour aborder ces problèmes clés d’équité, gérer les priorités émergentes, favoriser la responsabilisation et garantir des approches efficaces, un impératif crucial est de renforcer le rôle de tutelle des autorités de santé dans la formulation, l’organisation et la direction d’une politique nationale de santé. Ceci rend en effet possible la transformation de la gouvernance du secteur de la santé et les améliorations en efficacité, en efficience et en équité du système sanitaire. Le processus de transformation d’un système sanitaire comporte à la fois des incidences politiques et des répercussions en matière de ressources. Les acteurs participants sont responsables de la fiabilité et de la pérennité du processus, mais aussi de la régulation des ressources essentielles du système sanitaire, qu’elles soient financières, humaines ou relatives aux médicaments et aux technologies de la santé. Pour progresser vers la santé universelle, l’équilibre entre les aspects politiques et ceux liés aux ressources afin d’obtenir une riposte adéquate constitue une composante stratégique centrale du renforcement et de la transformation du système sanitaire.

Health Center, San Antonio de Pichincha, Quito
Centre de santé, San Antonio de Pichincha, Quito

La capacité des systèmes sanitaires à offrir des politiques et des programmes basés sur des données factuelles et fondés sur les droits pour éliminer les obstacles d’accès à la santé pour toutes les personnes, et particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité, est faible. Dans la Région, les réformes des soins de santé ont ciblé l’élargissement et la transformation des systèmes sanitaires pour améliorer l’accès aux services et satisfaire les besoins sanitaires de la population, particulièrement ceux des personnes en situation de vulnérabilité. Cependant, dans les efforts déployés pour satisfaire les besoins de différents groupes de populations, les systèmes sanitaires ont exacerbé le problème de la segmentation. Des populations vulnérables qui recevaient un ensemble de services de base dans le cadre de programmes dédiés n’ont pu recevoir un ensemble de services élargis et garantis offerts à d’autres segments de la population. Dans le contexte d’efforts explicites du gouvernement pour combattre la pauvreté et réduire les inégalités, cette réalité est devenue un obstacle à l’équité. De plus, un grand nombre de pays n’ont pu combler les lacunes cruciales existant en matière de services et satisfaire les besoins propres aux femmes et aux filles (y compris les services de santé sexuelle et génésique), aux migrants, aux personnes LGBT, aux autochtones, aux personnes d’ascendance africaine, aux adolescents et aux personnes âgées. Actuellement, les personnes les plus touchées par le manque d’accès universel à la santé et la couverture sanitaire universelle sont celles qui vivent dans les plus grandes conditions de vulnérabilité.

La majorité des pays font face à des défis pour mettre en œuvre une approche intégrée en matière de MNT, et ce en dépit des modifications démographiques, épidémiologiques et socio-économiques à l’origine, dans la Région, d’une charge croissante de ces maladies et de l’impératif d’intensifier les interventions visant leur prévention et leur contrôle efficaces. Les services sanitaires sont encore organisés pour répondre à des états critiques et ils manquent au premier niveau de soins des capacités de résolution permettant d’offrir des soins intégrés de qualité en matière de MNT et de troubles de la santé mentale. La mise en œuvre de politiques publiques pour influencer les facteurs de risque est limitée, et les interférences de l’industrie restent un obstacle important à la mise en œuvre au niveau national de politiques visant à réduire la consommation nocive d’alcool, à encourager une alimentation saine et à imposer une lutte contre le tabagisme. Ces interférences avec les politiques préventives centrées sur la population entraîneront des coûts croissants des soins de santé et la non-réalisation de la santé pour tous. L’industrie du tabac a tenté d’empêcher les autorités de progresser en matière de mesures efficaces de lutte contre le tabagisme, conformes aux missions définies par la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC), et de ratifier le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac. Cependant, avec sa ratification par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord en juin 2018, ce protocole est prêt à rentrer en vigueur en septembre 2018. Une approche intégrée de la prévention, de la promotion et des soins intégrés, telle qu’elle est favorisée par les approches fondées sur les SSP pour progresser vers la santé universelle, est primordiale pour diminuer l’incidence des épidémies de MNT, qui menacent de réduire à néant de nombreuses réalisations acquises de haute lutte en matière de santé et de développement dans la Région des Amériques.

D’importants défis existent également pour le maintien des acquis en matière de prévention et de lutte contre les maladies transmissibles. Malgré les améliorations de la surveillance épidémiologique et de la couverture vaccinale dans tous les pays de la Région, il y a eu, au cours de cette période, un revers en matière d’élimination de la rougeole. De plus, un certain nombre de zoonoses persistent, parmi lesquelles la rage, la leishmaniose, la fièvre jaune, l’encéphalite équine, la grippe aviaire et la brucellose. Les stratégies intersectorielles efficaces concernant leur surveillance, leur contrôle et leur prévention au niveau de l’interface humain-animal, et cohérentes avec l’approche multisectorielle de l’OMS « Un monde, une santé », sont limitées. Cette approche est cruciale en termes de sécurité alimentaire et de contrôle des zoonoses, mais aussi pour atténuer la menace croissante de la résistance antimicrobienne (RAM). Malgré une collaboration entre les agences internationales participantes – FAO, Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Organisation internationale régionale pour la protection des plantes et la santé animale (OIRSA) et Institut interaméricain de coopération pour l’agriculture (IICA) – un engagement multisectoriel au niveau des pays pose des défis quant à la mise en œuvre de plans d’action nationaux concernant la RAM.

Neighborhood doctors visit homes in Quito
Des médecins de quartier visitent des maisons à Quito

Une segmentation et une fragmentation des services sanitaires existent dans la majorité des pays de la Région, et exacerbent les difficultés d’accès à des services intégrés de qualité tout en entraînant des déficiences et une faible capacité de riposte au premier niveau de soins. Les processus de planification qui conduisent à davantage de centralisation des services sanitaires sont visibles dans certains pays. Les réformes des soins de santé qui ciblent l’élargissement de la couverture sanitaire en délivrant des ensembles de services de base – avec une limitation des initiatives de renforcement du modèle de soins et de l’organisation des services sanitaires – ont entraîné des améliorations inappropriées en termes d’accès aux soins. C’est particulièrement vrai pour les personnes les plus pauvres et pour les populations se trouvant dans les plus grandes situations de vulnérabilité. Les données sur les inégalités économiques des conditions d’accès pour la Région des Amériques montrent que le pourcentage de la population faisant face à des obstacles d’accès est très différent d’un pays de la Région à l’autre. Ces pourcentages vont de 6,8 % à 66 %, et ils sont les plus élevés dans les ménages les plus défavorisés. À bien des égards, les investissements dans le domaine de la santé continuent à donner la priorité aux services spécialisés et hospitaliers, d’une manière ponctuelle et sans plan d’investissements adéquat. De nouveaux établissements sont créés sans que soient pris en compte de manière appropriée les besoins en ressources humaines, en financement, en gestion de la prestation des services et en interventions spécifiques pour renforcer le premier niveau de soins. Les problèmes de pérennité et de résilience ne sont pas non plus pris en compte, et les plans favorisent souvent l’organisation de services sanitaires dans les centres urbains développés, laissant non satisfaits les besoins des zones rurales et périurbaines, plus pauvres.

De plus, des inégalités persistent quant à la mise à disposition, la distribution et la qualité des agents de santé au sein des pays et entre eux, ainsi que d’un niveau de soins à l’autre, et du secteur public au secteur privé. Les fonds recueillis pour les RHSU sont toujours extrêmement hétérogènes à l’intérieur de la Région et, dans de nombreux pays, ils sont insuffisants pour garantir la prestation de services sanitaires de qualité, en particulier au premier niveau de soins, et pour satisfaire les besoins des populations mal desservies. La faiblesse des taux de fidélisation du personnel dans les zones rurales et négligées, la précarité des conditions de travail, la faiblesse de la productivité et la faiblesse des résultats constituent certains des défis auxquels font face les pays. Tous ces facteurs ralentissent l’élargissement progressif des services, particulièrement au premier niveau de soins. Même quand les ressources humaines nécessaires à la santé universelle sont en place, il existe souvent un manque de personnel aux profils et aux compétences appropriés, ce qui a des conséquences sur la santé des communautés que ces professionnels desservent.  

Il y a eu dans la Région une croissance exponentielle de l’éducation des sciences de la santé au cours des dernières décennies. Malgré cette croissance, la réglementation des processus éducatifs reste insuffisante, et il existe des préoccupations quant à la qualité de la formation, la pertinence de nombreux programmes académiques et les normes de pratique professionnelle. Un grand nombre de pays ont des difficultés à progresser vers une formation fondée sur les capacités, à établir des programmes d’apprentissage interprofessionnel, à concevoir des programmes d’enseignement flexibles, à renforcer les capacités d’enseignement et à élargir les formations à tous les niveaux du réseau de soins.

Une approche de SSP appliquée au financement de la santé est loin d’être la réalité. Dans la Région, le financement de la santé est loin d’atteindre les objectifs établis par les États Membres de l’OPS en 2014, au moment où ils ont adopté la Stratégie pour la santé universelle. À l’issue des récessions mondiales antérieures, la reprise économique a été lente dans certains pays, résultant en des allocations insuffisantes pour les budgets nationaux de la santé, ce qui a menacé les acquis en la matière et retardé les progrès dans les domaines prioritaires. Bien que la collaboration entre les ministères de la Santé et les ministères des Finances se soit accrue au cours de la période considérée, seuls cinq pays – Canada, Costa Rica, Cuba, États-Unis d’Amérique et Uruguay – ont atteint un chiffre de dépenses de santé publique équivalant à 6 % du PIB. Dans de nombreux pays, cette situation est aggravée par une capacité limitée à introduire des changements dans le système sanitaire, en raison de la rigidité des systèmes de gestion des finances publiques et des budgets de postes distincts. Des priorités nationales concurrentes et un financement inefficace en matière de santé entraînent souvent l’échec de l’accès garanti à des services intégrés dans le cadre des programmes sanitaires prioritaires. Une priorité limitée est donnée aux MNT, et aux politiques et règlements connexes, ce qui entraîne parfois des investissements nationaux insuffisants pour la mise en œuvre de ces politiques. Le manque d’investissements aggrave les effets indésirables des coûts directs et indirects générés par les MNT et leurs facteurs de risque, par les troubles de la santé mentale et par la violence et les traumatismes, ce qui a d’importantes répercussions sur les systèmes sanitaires nationaux, sur la santé des personnes et des populations, sur la productivité et sur le développement national global.

Complete health care to TB patients

Un investissement efficace en matière de santé doit maintenir les acquis et les élargir à d’autres problèmes sanitaires prioritaires comme l’infection à VIH, la tuberculose, la vaccination et la santé sexuelle et génésique. Il doit être possible de développer une résilience dans les systèmes sanitaires en garantissant un financement suffisant des fonctions essentielles de santé publique, y compris des capacités de mise en œuvre du RSI, et de l’état de préparation et de riposte aux urgences sanitaires. Ni les budgets nationaux ni de nouvelles sources de financement n’ont totalement réussi à combler les lacunes créées par le retrait ou la réduction de financements externes provenant de partenaires internationaux de développement et destinés aux programmes nationaux de vaccination, et de prévention et de lutte contre le VIH. D’autres maladies transmissibles, comme les maladies infectieuses négligées et l’hépatite, restent insuffisamment priorisées et financées. La riposte à l’hépatite manque de ressources provenant de partenaires internationaux de développement et dépend entièrement des engagements financiers nationaux. Ce défi est exacerbé par l’identification insuffisante de la maladie en tant que priorité pour une intervention, comparativement à d’autres problèmes pressants de santé publique dans la Région, par le coût élevé des médicaments contre l’hépatite pour les personnes et les systèmes sanitaires et par les coûts plus élevés de ces médicaments dans la Région des Amériques, comparativement aux autres Régions.

Le travail en cours pour renforcer l’état de préparation et la riposte aux urgences sanitaires est crucial pour accroître la résilience dans les systèmes de santé et la communauté. La mise en œuvre du RSI est une composante clé de ce travail. Elle nécessite des efforts constants de la part des États parties et du BSP pour gérer les événements de santé publique de portée potentiellement internationale, ainsi que pour respecter à long terme des obligations distinctes et récurrentes, comme l’établissement et la maintenance des capacités fondamentales de surveillance et de riposte, y compris aux points d’entrée désignés tels que détaillés dans l’annexe 1 du RSI. Parmi les défis qui ralentissent les progrès de la mise en œuvre figure le manque d’une compréhension pleine et aboutie des concepts du RSI. De plus, les quatre composantes du cadre d’évaluation et de surveillance du RSI – conçu pour garantir une redevabilité réciproque – ne sont pas ajustées aux besoins de tous les États parties de la Région, à ceux des petits États insulaires en développement par exemple.

En ce qui concerne les catastrophes, la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont une capacité de riposte aux événements mineurs à modérés qui affectent la santé de leurs populations, en appliquant une approche à risque unique et sans avoir besoin d’un soutien international. Le défi survient quand il s’agit de répondre à des urgences étendues et/ou à risques multiples, quand il existe une coopération extérieure écrasante et lorsqu’il existe une politisation ou « verticalisation » de la riposte.

Changement climatique et catastrophes naturelles

Les catastrophes et les urgences ont souvent pour résultat l’interruption ou la réduction de nombreux programmes sanitaires prioritaires. Cela peut survenir au cours de ces événements, mais aussi sur de longues périodes suivant leur survenue. Ces interruptions peuvent concerner des services pourtant cruciaux destinés à des personnes présentant des maladies chroniques et à d’autres personnes en situation de vulnérabilité.

Quarante ans après la Déclaration d’Alma-Ata, de nombreux pays de la Région accusent encore un retard pour garantir un accès équitable aux déterminants environnementaux de la santé. Des quantités suffisantes d’une eau de qualité suffisante, un assainissement de base de qualité acceptable et des conditions de vie sures et d’un niveau suffisant à domicile, à l’école, sur le lieu de travail et dans la communauté sont impératifs pour progresser vers la santé universelle. Les répercussions négatives projetées des changements climatiques sur l’environnement et la santé, et sur d’autres problèmes cruciaux de développement, ont été reconnues, mais il existe des retards à l’élaboration et à la mise en œuvre de plans nationaux d’adaptation aux changements climatiques. Une mobilisation plus intense, un engagement politique, et des approches multisectorielles sont nécessaires pour atteindre les ambitieuses cibles des ODD relatives à la santé environnementale et affronter les défis des changements climatiques, particulièrement dans les pays clés. Il est nécessaire d’intensifier le renforcement des capacités, la sensibilisation et les ressources humaines, ainsi que l’allocation de ressources nationales spécifiques aux programmes de santé environnementale, pour intégrer pleinement les sujets de santé environnementale aux programmes, aux politiques et aux interventions des ministères de la Santé, d’autres agences sectorielles, de la société civile et du secteur privé.

Les données de qualité et les analyses épidémiologiques utilisant des données ventilées sont très limitées dans la Région, particulièrement dans les pays clés de l’OPS et dans les Caraïbes, ce qui gêne les efforts déployés pour surveiller les progrès réalisés vers la santé universelle. En dépit des efforts des États Membres pour colliger des informations permettant de suivre et d’évaluer méthodiquement les progrès réalisés en matière d’équité dans le domaine de la santé, la plupart des pays ont encore besoin de renforcer leurs systèmes nationaux de surveillance. Même dans les pays qui colligent des informations ventilées selon les variables socio-économiques, les analyses d’équité en matière de santé et l’utilisation de données factuelles pour l’élaboration des politiques sont souvent limitées.

Enseignements tirés

L’engagement à ne laisser personne pour compte, tel que précisé dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, nécessite que les États Membres établissent des cibles spécifiques et accessibles de réduction des inégalités en matière de santé, et des systèmes fonctionnels de suivi de ces inégalités. Pour parvenir à la santé universelle, les États Membres doivent s’engager à investir dans leurs systèmes de planification nationale et infranationale, de notification, de surveillance et d’évaluation. Chaque système d’information concernant la santé doit être conçu comme un dispositif intégré de systèmes et de processus interconnectés et interopérables, qui garantissent la convergence des données, des informations, du savoir, des normes, des personnes et des institutions. La diversité des mesures est un élément clé pour le maintien et la pérennité des interventions, y compris au cours des transitions politiques et des changements de gouvernements. Parmi ces processus essentiels figurent la définition fondée sur des données factuelles d’un programme national de santé à moyen et long termes, l’élaboration par le BSP d’un programme stratégique à moyen terme concernant la coopération technique avec les pays (ou CCS) et la signature d’accords officiels de coopération technique. Les activités pour élaborer ces cadres de travail doivent être participatives et inclure la participation d’un large éventail de parties prenantes, parmi lesquelles des parlementaires, des agents de santé, des leaders locaux et des membres de la société civile, au cours des phases de planification, de mise en œuvre, de surveillance et d’évaluation, l’objectif étant d’obtenir l’adhésion et un engagement à l’action.

Complete health care to TB patients
Les délégations des Amériques ont rencontré Carissa F. Etienne, directrice de l'OPS / OMS, pour discuter des sujets qui seront discutés en plénière.

Aborder la gouvernance d’une manière globale et intégrée, et créer des dispositifs interconnectés de réglementation (incluant les ressources financières, les ressources humaines, et les technologies et services de la santé) constituent des interventions pivots parmi les transformations institutionnelles nécessaires pour parvenir à des améliorations équitables en matière d’accès aux services sanitaires. Effectuer des recherches sur le rôle le plus utile du ministère de la Santé, relativement aux autres ministères qui ont également un impact sur la santé de la population, et repenser l’objectif et les fonctions des structures appropriées de service civil serait utile pour accroître l’efficacité et l’efficience sur le chemin de la santé universelle. Une participation sociale plus importante à la planification, à la mise en œuvre et à la surveillance des politiques de santé doit être favorisée, afin de promouvoir des politiques plus adaptées aux besoins et d’assurer une transparence et une pérennité. Une prise de conscience accrue des divers problèmes sanitaires prioritaires et des stratégies visant à dépasser les obstacles psychosociaux et culturels au niveau de la communauté doit faire partie des efforts déployés pour améliorer la facilité d’accès, la mise à disposition, l’accessibilité et la qualité des services sanitaires intégrés. L’intensification de la promotion de l’approche de la santé dans toutes les politiques, et la coopération technique relative à cette approche, l’une et l’autre accompagnées d’un renforcement des messages concernant l’équité, peuvent faire davantage progresser cette approche, même si des changements politiques surviennent. Ceci est particulièrement pertinent quand il s’agit d’appui politique et de financement. À cet égard, l’établissement et le renforcement de réseaux et d’alliances stratégiques seraient cruciaux pour une approche réussie.

Même quand les temps sont difficiles et que l’économie stagne, il est possible d’augmenter les investissements publics dans le domaine de la santé. Les pays peuvent déterminer l’espace budgétaire existant et l’utiliser pour la santé, et un large éventail de sources peuvent permettre d’accroître les ressources publiques. Ces possibilités incluent l’amélioration de la collecte des impôts (en réduisant la fraude et l’évasion fiscale), l’augmentation des taxes de santé publique ou la création de nouvelles taxes, la diminution du gaspillage et de la corruption, la priorisation des dépenses de santé sur les dépenses d’autres secteurs et les contributions sociales. Selon son propre contexte national, chaque pays peut passer à l’action. Cependant, favoriser un espace budgétaire plus important nécessite un dialogue social élargi entre toutes les parties prenantes. Les décisions connexes, auxquelles participent les États, tendent à être politiques et sont principalement fondées sur des arguments techniques, souvent au détriment des contributions de partenaires sociaux clés, parmi lesquels la société civile et le secteur privé. Une des choses importantes à prendre en compte est l’augmentation de l’efficience. Celle-ci peut être obtenue en investissant dans le premier niveau de soins, de manière à offrir des services sanitaires intégrés et de qualité au sein des réseaux de prestations de services sanitaires intégrés, en accordant une attention aux problèmes sanitaires prioritaires et en fournissant un financement suffisant pour les ressources humaines, les médicaments et les autres technologies de la santé.

La collecte, la documentation et la diffusion de bonnes pratiques sont cruciales pour mettre en avant des possibilités d’introduction et de pérennité d’interventions stratégiques en matière de santé universelle. Les modalités techniques de l’OPS concernant la coopération entre pays pour le développement de la santé (y compris la coopération transfrontalière qui cible les problèmes de migration et autres problèmes ayant un impact immédiat et direct sur les communautés et les SSP) peuvent renforcer le travail au niveau infranational, contribuer à améliorer les capacités locales et aider à atténuer les défis potentiels pouvant surgir de changements de directions politiques nationales.

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Clinique de la famille Estácio de Sá., Rio de Janeiro, Brésil

Étant donnés les défis relatifs à la pérennité, les pays peuvent tirer avantage d’un renforcement de l’approche infrarégionale. Ce renforcement facilitera l’adoption de normes, de technologies, de solutions et de méthodes. Il contribuera également à la gestion des données, des informations et des connaissances, et encouragera une prise de décision collective, l’élaboration de politiques fondées sur des données factuelles et la mise en commun des ressources. La production de biens publics infrarégionaux est également valorisée en tant que stratégie de bon rapport coût-efficacité pour atteindre les petits États insulaires en développement, dont la capacité à élaborer des programmes complexes est souvent limitée. L’identification de priorités à l’intérieur des sous-régions et d’une sous-région à l’autre, et une plus grande interaction du BSP avec ses contreparties dans d’autres Régions de l’OMS, faciliteront l’efficacité de la coopération technique du Bureau avec les États Membres de l’OPS pour les regroupements divers et variés d’intégration des politiques.

Partie intégrante des systèmes de santé publique, la gestion d’une chaîne d’approvisionnement (GCA) dédiée vise à prendre en charge de manière globale l’ensemble du système de santé et à tirer parti des résultats des programmes sanitaires verticaux. La GCA peut contribuer de manière importante à la pérennité à long terme de l’accès aux médicaments et aux technologies. Elle concerne directement ou indirectement tous les domaines d’un système de santé publique, et une approche interprogrammatique de la GCA incluant toutes les unités techniques du BSP peut être d’un grand apport. Les contributions possibles incluent l’amélioration de l’accès aux médicaments à tous les niveaux des systèmes sanitaires nationaux, l’introduction de nouvelles technologies de la santé, la migration des patients dans le cadre d’un effort d’harmonisation des pratiques cliniques avec les recommandations de l’OMS, et la réalisation d’études économiques de la chaîne d’approvisionnement qui examinent et soulignent les possibilités d’optimiser l’utilisation des fonds gouvernementaux. En fournissant une réglementation harmonisée et un unique point d’entrée dans la sous-région des Caraïbes pour les médicaments et les autres technologies de la santé, le système de réglementation des Caraïbes a le potentiel d’être l’un des succès majeurs de la CARICOM quant à la promesse d’un marché commun. Il faut également plaider pour un plus grand recours au Fonds stratégique de l’OPS.

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EMTCT-plus - Élimination de la transmission mère-enfant du VIH, de la syphilis congénitale, de la maladie de Chagas et de l'hépatite B.

Des données factuelles ont montré qu’investir dans les RHSU améliore les taux d’emploi et accroît le développement économique. Une forte volonté politique est essentielle pour concrétiser les engagements en allocations budgétaires dédiées aux RHSU. De plus, une gouvernance et une réglementation efficaces sont cruciales pour développer des politiques stratégiques relativement aux RHSU et pour concevoir, financer et mettre en œuvre un plan national de RHSU. Une coordination intersectorielle efficace, une participation de haut niveau et un positionnement stratégique des questions de RHSU sont nécessaires pour amorcer un engagement du secteur public dans la réforme les concernant. Cela devrait inclure des efforts plus importants pour élaborer des systèmes d’information dédiés aux RHSU, et des cadres institutionnels qui permettent une responsabilité partagée quant à l’analyse et à l’utilisation des informations. La décentralisation des institutions de formation et le recrutement d’étudiants dans des communautés mal desservies peuvent accroître la production, le déploiement et la fidélisation des agents de santé dans les établissements de services sanitaires mal desservis.

Des données factuelles ont également montré qu’un premier niveau de soins robuste, doté des capacités à concrétiser les programmes sanitaires prioritaires et appuyé par un réseau intégré de services, génère de meilleurs résultats en termes de santé, d’équité et d’efficience. Obtenir un accord politique de haut niveau pour garantir la mobilisation et l’allocation efficiente des ressources nécessaires aux plans humain, financier et technique facilite la conduite d’une riposte suffisante pour maintenir et faire progresser l’élimination des maladies (y compris EMTCT et élimination de l’hépatite B, de la maladie de Chagas et du cancer du col de l’utérus), pour prévenir la réapparition de maladies endémiques comme le paludisme, et pour atteindre une couverture vaccinale homogène aux niveaux nationaux et infranationaux. Le plaidoyer continu du BSP est crucial, qui cherche à favoriser l’intégration des diverses interventions nécessaires à une avancée vers un accès équitable à des services sanitaires de qualité. Également essentielle est une capacité accrue du premier niveau de soins à fournir des services appropriés relativement à des problèmes comme les MNT, la santé mentale, et la santé sexuelle et génésique, de manière à permettre aux personnes d’optimiser leur fonctionnement et leur bien-être tout au long du cycle de vie.

Des solutions innovantes et des approches dépassant les modèles traditionnels de prestations de services et faisant participer les communautés et les parties prenantes multisectorielles sont nécessaires pour aborder le jeu complexe des différents facteurs affectant la santé de la population de la Région. Une intervention participative incluant les leaders des communautés locales, les agents de santé, les sociétés scientifiques, le gouvernement, les organisations de la société civile et autres parties prenantes clés, est cruciale pour répondre d’une manière intégrée aux multiples défis sanitaires. Les programmes et les initiatives multisectorielles de santé environnementale progressent sur l’ensemble de la Région, grâce en partie à l’intégration d’autres secteurs aux activités de renforcement des capacités auxquelles les pays se sont engagés.

Il y a nécessité, au niveau de pays, d’un dialogue plus large avec diverses parties prenantes, parmi lesquelles le secteur privé, et les groupes intéressés par la mise en œuvre de l’approche « Une seule santé » [One Health] et par l’élaboration et la mise en place de plans d’action nationaux contre la résistance aux antimicrobiens. De plus, il est nécessaire d’accroître la sensibilisation, le renforcement des capacités, le transfert de certaines tâches, les ressources humaines et les budgets nationaux des programmes de santé environnementale, pour déployer des interventions efficaces en matière de lutte contre les maladies transmissibles. Finalement, une composante clé sera de rendre compte du rôle central de l’eau, de l’assainissement et des mesures d’hygiène dans le contexte des catastrophes et des urgences de santé publique.

Avec plus de la moitié de l’électricité de l’île, des milliers d’habitants n’ont toujours pas accès à de l’eau potable.

Une participation multisectorielle globale, y compris du secteur privé, selon les cas, et en respectant tout conflit d’intérêts éventuel, est cruciale pour faire face aux MNT et à leurs facteurs de risque, et nécessite un engagement politique soutenu. Dans le cadre du travail avec le secteur privé, la collaboration avec d’autres agences des Nations Unies pour promouvoir le Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques et la résolution E/2017/L.21 (qui concerne les ingérences de l’industrie du tabac et a été adoptée par le Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) en juin 2017) peuvent faciliter une coopération mutuellement bénéfique et une résistance aux tactiques de l’industrie. Il est nécessaire d’élargir la sensibilisation des fonctionnaires de haut niveau du domaine de la santé et des secteurs non sanitaires quant à la solidité des données factuelles sur lesquelles est fondée la Convention-cadre pour la lutte antitabac, et à la valeur de politiques efficaces de lutte contre le tabagisme. Le renforcement du travail intersectoriel, y compris en matière de législation et de commerce, est important pour avoir une compréhension commune et parvenir à des résultats cohérents d’un secteur gouvernemental à l’autre. Néanmoins, le secteur de la santé a un rôle essentiel à jouer, du fait de sa mission de prendre en charge toutes les causes majeures de morbidité et de mortalité. Promouvoir l’appropriation par les pays d’un fort leadership politique est essentiel à la mise en œuvre réussie de toute initiative, particulièrement de celles concernant les MNT, qui sont par nature chroniques et multifactorielles. La prévention et la lutte contre les MNT et la santé universelle se renforcent mutuellement.

Pour obtenir des répercussions à long terme sur l’intensification de la résilience des systèmes de santé, la coopération technique du BSP relativement au RSI nécessite une promotion continue à différents niveaux, centrée sur l’établissement dans le pays de ponts de communication entre le niveau technique et le niveau de prise de décisions. Tandis que le RSI fournit des dispositifs garantissant une responsabilité mutuelle, outre les exigences de surveillance de leur mise en œuvre et du respect des obligations par les États parties, l’application des quatre composantes du cadre d’évaluation et de surveillance du RSI doit être ajustée aux besoins des États parties de la Région, ceux des petits États insulaires en développement par exemple.

Les urgences de santé publique survenues en 2017-2018 ont souligné la nécessité, dans les Amériques, de renforcer la surveillance, y compris les dispositifs de collecte de données, et ce dans quatre domaines : les épidémies sylvatiques, la production animale intensive, la mobilité humaine et les médias sociaux. Dans le cadre de la riposte aux catastrophes et aux urgences, il existe également une nécessité de renforcer les approches interprogrammatiques et les dispositifs visant à intégrer des interventions cruciales destinées aux personnes vivant dans des conditions prioritaires ou des situations de vulnérabilité, et de rendre possible des efforts plus globaux.